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********** par Gilles FICHOU
Article paru dans la revue du CERAV, Tome XXI (1997)
Cette restauration avait pour but une initiation à la construction en pierre sèche et une sensibilisation des habitants de la commune de Loupian (34) à leur patrimoine de cabanes de défricheurs, mais aussi, bien au-delà, de toucher le maximum de personnes intéressées par cette technique originale et d’assurer peut-être sa sauvegarde. L’association «Pierres d’Iris» a maintes expériences à son actif dans l’Hérault ou ailleurs (les plus récentes en avril 96 en Bretagne lors de la reconstruction d’une cave en pierre sèche à Ploërdut (56) (75 tonnes de granit sur 13 m2) et la restauration au même endroit d’une deuxième cave en juillet 96). L’association a travaillé à organiser et à encadrer cette rencontre/action au niveau local avec l’aide de la Municipalité de Loupian. L’association «Pierres d’Iris» souhaite continuer à oeuvrer pour que vivent les cabanes avec voûte en encorbellement (dites «capitelles»(1) ) et aussi que renaisse la construction en pierre sèche. Méthode de construction si esthétique, si parfaitement intégrée au milieu, si adaptée à la protection de l’environnement par son écosystème-refuge, et pourtant si simple, à la portée de tous, avec un matériau naturel appartenant au lieu même.
SITUATION ET PRESENTATION DE LA CABANE
Commune: LOUPIAN (34). Lieu-dit: Pech Monier. Plan cadastral: N° 36 section B.
Propriétaire: Commune de Loupian. Parcelle de terre envahie par Quercus coccifera et Quercus ilex.
Culture ancienne: indéterminée, seule une recherche dans les archives communales permettrait d’éclairer ce point (à ce sujet voir plus loin). Présence de rejets d’oliviers alignés dans la parcelle n° 35. Un seul fait est certain, après examen du cadastre Napoléonien , aucune terre défrichée ne se trouvait dans ce secteur avant 1812 ou 1828 (date du cadastre à confirmer).
Aspect géologique: carte géologique: feuille de Sète 27.44 au 1/50000e. Calcaire du kimméridgien supérieur partiellement dolomitisé. Pierres de dureté suffisante à texture finement granuleuse, très fissurées. Formes très fantaisistes au faciès tourmenté ayant entraîné un assemblage difficile et disparate. Nombreux lapiaz dans la parcelle étudiée ( appelés localement «caravencs»).
Aspect topographique: carte topographique: Sète 2744 Ouest: X: 704,300; Y: 3132,075; Z: 120 m env.. La parcelle N° 36 est un enclos de forme subcarrée, à flanc de coteau du Puech Monier (181m), orienté diagonalement Nord-Ouest Sud-Est. Dans son angle Sud-Est, deux langues de terre s’étirent l’une vers le Sud , l’autre vers l’Est. La cabane se dresse dans cette dernière. Les murs enclosant cette propriété sont en très mauvais état; quelques longueurs de murets subsistent en l’état originel, mais de nombreuses plages d’éboulement et des boursouflures pré-écroulement en ponctuent le cheminement (pour les parements situés du côté des parcelles voisines).
Observation: la paroi du mur tournée vers l’intérieur de la langue de terre portant l’abri, et celle du reste de la parcelle, ne sont pas parementées (sauf dans la partie basse envahie par Quercus coccifera). Ce côté donc semble avoir servi de pierrier où les cailloux ont été jetés des parcelles voisines, comme d’ailleurs le reste de sa surface où le sol était jonché de nombreuses pierres de plus ou moins grande importance (présence d’un clapas-éboulis important à droite de la cabane, qui a servi en grande partie de carrière pour en consolider la base lors de la restauration. Les éléments le constituant provenaient obligatoirement de la parcelle située au-dessus, la n° 34).
Remarque: Ces curieuses indications n’ont fait que nous conforter dans l’idée que les bords de la parcelle nous concernant (n° 36) ont probablement servi de «no man’s land agricole» où chaque voisin s’est débarrassé de ses pierres indésirables(2). L’examen de la surface exploitable de ce terrain montre une grande concentration de lapiaz rendant sa mise en culture fort difficile, contrairement aux sols des parcelles mitoyennes. Seule la portion située en partie basse a pu être cultivée: présences d’un autre «no man’s land agricole» et d’une cache fortement endommagée à la base du mur de séparation ( L: 0m80 env.; l: 0m30; h: ? ). Des quercus ilex âgés occupent ces zones rocheuses (pas de défrichage ?!). Dans ce cas qui a construit la capitelle? Il existe un petit abri, ruiné, dans la n°35. Est-ce celui de la n°34, ou bien le bâtisseur de notre abri était-il différent de ceux des terres environnantes et a-t-il seulement récupéré cette portion de garrigue délaissée par les premiers défricheurs du secteur en y dressant sa marque de propriété (3)?
Encore une fois, l’examen du cadastre ou des actes notariés permettrait de contrôler ces hypothèses, avec prudence toutefois, car l’attribution des «no man’s lands agricoles» a toujours été fantaisiste lors des mises à jour des cadastres: qui voudrait payer des impôts sur des terres stériles?.
Aspect extérieur de la cabane: La voûte en encorbellement s’est écroulée à l’intérieur de la chambre. Il n’en subsistait qu’une partie à l’arrière gauche, ce qui permet de dire que cette cabane était à base sub-cylindrique surmontée d’un cône en retrait. Plan: subcirculaire (forme en fer de cheval aux pointes légèrement rentrées ). L’ouverture de ce fer à cheval représente l’entrée. Cette dernière est fortement ébrasée vers l’extérieur, notamment le montant droit, et regarde le Sud. (+15° Ouest). Le linteau a disparu. Appareil: opus incertum non ragréé, maçonnerie grossière en pierres de tout venant nonassisées, mais calées avec plus ou moins d’efficacité à l’aide d’éclats. Il est évident que le maçon-amateur n’a pas bénéficié d’un matériau noble mais au contraire de blocs disparates, de configuration tourmentée et au faciès irrégulier. Malgré tout, construction de facture malhabile dans la conception et la mise en oeuvre (épaisseur et forme du mur irrégulières). La partie gauche de la construction s’appuie sur le mur-pierrier délimitant la langue de terre. Les passages répétés de l’homme et des animaux ne permettent pas de déterminer avec précision si le bâtisseur avait véritablement accoté son abri contre lui. L’arrière et l’arrière-droit de la base du mur de l’abri reposent sur de gros rochers faisant partie d’un lapiaz.
Aspect intérieur de la cabane: Plan: identique à l’extérieur: grand axe 1m70, petit axe 1m40. Section de voûte: base cylindrique avec amorce de l’encorbellement à 1m40 du sol. Appareil identique à l’extérieur. Pour les quelques dalles en place et celles trouvées au sol: cabossées, de mauvaise qualité, indubitablement récupérées sur les lieux, certaines dolomitisées. Aucun aménagement intérieur. Sol de terre battue. Les rochers du lapiaz sont bien visibles à la base de la paroi et ont servi de départ.
DEGRADATIONS ET RISQUES ENCOURUS:
Linteau: il a disparu et aucune trace n’a été retrouvée au sol. Une dalle, toujours en place, employée comme corbeau en haut du jambage droit (0m80x0m40x0m12) et l’emplacement vide, aux dimensions trop modestes (L: 0m32, l: 0m18) , d’un probable deuxième corbeau dans la partie supérieure du jambage gauche sembleraient indiquer que le bâtisseur a mis en oeuvre un triple linteau (4). La troisième partie de ce linteau multiple (la partie supérieure) devait être de faible épaisseur (une des dalles retrouvées à l’intérieur ?) et assurait la liaison directe avec la voûte en encorbellement. Il est certain qu’il n’y avait pas d’arrière-linteau car aucun emplacement concernant ses appuis latéraux n’était visible dans les vestiges encore existants de la cabane.
Voûte en encorbellement: il peut être avancé avec certitude que la cassure du linteau supérieur ou le glissement du corbeau gauche, dont l’assise était insuffisante, sont responsables de l’écroulement de la couverture dans la cellule. En effet la paroiextérieure de l’édifice ne comportait aucune plage d’éboulement. Elle ne peut être responsable de cet affaissement. Il est à noter que, vu le faible volume de dalles et de pierraille jonchant le plancher de l’abri, la couverture devait être d’envergure particulièrement modeste. Hauteur des vestiges de la voûte en encorbellement: 2m10.
Paroi extérieure: Si la paroi extérieure ne comportait pas de parties fortement dégradées, par contre un examen plus minutieux a permis de noter de nombreuses anomalies dans la technique de construction utilisée par le bâtisseur pour dresser celle-ci:
* les parements extérieur et intérieur des piédroits n’étaient pas chaînés correctement en mettant en oeuvre soit des parpaings, soit des boutisses utilisées en clef simple ou double à contact direct ou indirect. Ceci a provoqué un léger contre-fruit de part et d’autre de chaque montant.
* ces mêmes piédroits n’étaient pas solidaires de l’ensemble de la cabane et ce pour les mêmes raisons que ci-dessus, créant ainsi un «coup de sabre» à l’arrière de chacun d’eux. Ces incidents dans le bâti avaient entraîné une lézarde très prononcée sur le jambage droit et un affaissement de ce dernier vers l’avant. Sa survie était due à un petit contre-mur édifié à l’avant ( par le constructeur?).
* le matériau informe mis en place pour édifier la cabane n’avait pas été soigneusement calé, ce qui avait provoqué des manques dans le mur extérieur comme intérieur. Trois cavités , annonciatrices d’un futur éboulement, étaient à signaler: une à la base du côté droit intérieur, une dans la base du côté droit extérieur et une à mi-hauteur dans le côté gauche.
* ce côté gauche était le parement le moins soigné, le bâti avait été réalisé avec du tout-venant, ce qui a dû nécessiter un aménagement particulier lors de sa remise en état: établissement d’un contre-mur, à la base, pour le consolider afin d’éviter l’obligation de le reprendre entièrement ce qui aurait entraîné la dépose complète de la voûte en encorbellement rescapée de l’écroulement.
* la base de la paroi extérieure droite est bâtie avec des moellons de faible envergure ce qui la fragilisait.
RESTAURATION
Le Dimanche 29 juin 1997 de 8 H 30 à 18 H30 env.
Participants: Mme Claude FROIDEVAUX de Faugères (34), M.Pierre-Yves FICAR de Cavaillon (84), M. et Mme H. HICHRI, M. Benoît SOLLIER de Montpellier (34), M. Manuel SANZ de Sète (34), Messieurs Olivier FILIPPI, Francis PEREZ, Bertrand CARTAYRADE, Didier BEZIAT, Francis BEZIAT et Mme Claudette PRUDENT de Loupian (34), Messieurs José SALLE, Adrien TYRLIK, Gilles FICHOU de Villeveyrac (34), M. Michel MULLERAS ( vidéo et aide à la construction) de Béziers (34).
Il est à regretter qu’aucun document photographique n’ait pu nous guider dans la reconstruction de la cabane. Une enquête avait été effectuée en 1982 par l’ «Association pour la connaissance et la mise en valeur du patrimoine de Loupian». Cet abri n’y figurait pas. Cela n’aurait probablement rien changé car la destruction semble très ancienne. Encore une fois cela nous conforte dans le fait qu’il est urgent de recenser, photographier, dessiner, mesurer ces fragiles témoins de notre architecture vernaculaire.
La commune de Loupian, consciente de ce patrimoine à préserver, a entrepris un nouveau recensement par l’intermédiaire de son archéologue municipal Marc LUGAND, de Manuel SANZ et de son employé municipal passionné par la garrigue: Christian RAMBAL. Ce qui a permis de repérer, de restaurer et de sauver cette cabane.
La journée a débuté, auprès des stagiaires présents, par une intervention didactique sur la construction en pierre sèche. Des schémas ont été présentés sur un panneau et commentés pour aider les participants durant la restauration. Le vent, hélas, n’a pas permis de conserver ce panneau en l’état jusqu’au soir! Ensuite une série de questions pertinentes a fourni une excellente introduction au chantier de restauration.
Les abords de la cabane avaient été soigneusement débroussaillés,le vendredi 27 juin en soirée, par M.Christian RAMBAL de Loupian (34) ce qui a permis de débuter le chantier rapidement.
Paroi extérieure: Après formation de quatre équipes, priorité a été donnée aux colmatages des trous dans le parement et le calage soigné des pierres. Chaque équipe était encadrée par une personne ayant déjà eu au moins une expérience de construction en pierre sèche. Devant la fragilité de la base du mur, il a été décidé de bâtir un contre-mur afin de ceinturer l’édifice. Les moellons nécessaires ont été récupérés dans un tas d’épierrement (clapas) tout proche , dans la langue de terre et le long des parois-pierriers enclosant cette dernière.
Jambages: Les «coups de sabre» et le mauvais chaînage des piédroits nous ont obligé, après avoir attendu que les brèches dans le mur-arrière soient colmatées et les moellons calés, à les démonter. La dalle-corbeau (hauteur 1m40) a été soigneusement déposée afin d’être remise à sa place par la suite. A noter que l’intrados de la voûte est demeuré en place, c’est-à-dire que les quelques plaques de calcaire rescapées de l’effondrement sont restées dans un équilibre précaire durant toute la remise en état des deux montants. Beaucoup de précautions ont dû être prises pour cette reconstruction. Il aurait été plus facile de retirer ces lauzes mais le choix de toucher le moins possible à la nature originelle de l’abri a primé. Le piédroit gauche a été descendu jusqu’à 0m80, le droit à 1m10. Cette reconstruction a permis de montrer aux stagiaires l’importance des parpaings et des clefs formées à l’aide de boutisses. Cette technique a d’ailleurs été utilisée avec succès et a permis d’ancrer soigneusement le nouveau parement extérieur avec le parement intérieur et notamment avec les rares dalles de la voûte restées en place. L’importance du remplage à l’aide de pierraille, soigneusement disposée et frappée avec la massette de maçon, a été aussi mise en évidence. A été signalée aussi la valeur des pierres à longue queue disposées à la base de toute paroi, mais aussi réparties régulièrement dans celle-ci. Les contre-murs devant les jambages ont été refaits, augmentés en volume et liés avec la ceinture de soutien située à la base de la paroi circulaire extérieure. Ils forment un petit couloir d’accès à la cellule (ces contre-murs, consolidisant les constructions, se rencontrent parfois, ils étaient le résultat des épierrements successifs réalisés par les exploitants agricoles).
Linteau: Avant de sélectionner et de hisser un linteau afin de coiffer l’entrée, il a fallu remettre les corbeaux en place. Notamment celui qui avait été déposé. Des fissures récentes, conséquences de sa descente forcée, avaient été détectées ce qui nous a obligé à le refuser pour cette fonction. Il a terminé dans le montant gauche en tant que boutisse.Une autre dalle, légèrement plus épaisse, l’a remplacé à la même hauteur. La sélection d’un deuxième corbeau pour le jambage gauche a été facilitée par le faitque ce dernier avait été démonté. Effectivement, il aurait été difficile de retrouver une pierre pouvant venir s’encastrer dans le peu de place laissé par l’ancien corbeau disparu (L:32cm; l:18cm). Le linteau venu reposer sur ces deux dalles en débord avait été mis de côté depuis le matin afin de remplir ce rôle. D’aspect longiforme (L:1m00, l:0m30 env.,ép.: de 0m12 à 0m18), il avait été soigneusement sélectionné car ce genre de blocs est assez rare dans ce coin de garrigue mais pas inexistant. Effectivement, en fin de soirée, lorsque les participants étaient à la recherche de dalles pour clore l’extrados de la toiture, une dalle magnifique a été découverte dans les broussailles et ce, à proximité et dans lamême parcelle. Seul inconvénient, elle aurait nécessité les bras de plusieurs personnes pour être transportée et hissée. L’examen de la cabane montre que cette dernière a pu êtreconstruite par un seul individu: le triple-linteau, aux dalles moyennes, est là pour le corroborer ainsi que l’absence de pierres volumineuses placées en hauteur.
Voûte en encorbellement: La faiblesse du linteau mis en oeuvre nous a obligé, afin de ne pas reproduire la même erreur, à le soulager par deux pierres plates épaisses disposées au-dessus dans le même alignement que les deux corbeaux cités précédemment avec débord dans la chambre et emprise dans la voûte en encorbellement et au-delà dans la paroi. Ces deux nouveaux corbeaux ont servi d’assise à deux nouvelles dalles placées en léger retrait (0m20 env.), par rapport au bord extérieur, et en avancée au-dessus de la pièce et surtout au-dessus du linteau afin de le décharger. L’espace laissé par ces deux dernières (0m17) a été couvert par une lause de l’encorbellement. Ce subterfuge a été l’occasion d’expliquer aux stagiaires l’importance que revêt l’arrière-linteau (jonction avec la voûte en encorbellement) dans ce genre d’édifice et surtout lorsque celui-ci possède une toiture volumineuse. Il doit en supporter toute la masse. Cette particularité n’a pas toujours été saisie par les bâtisseurs, d’où les nombreuses destructions. Parfois l’autoblocage des dalles de la voûte pallie cet inconvénient lorsque l’arrière-linteau se brise ou se fissure. Le dessus de la dalle apicale du linteau visible a été parementé par la suite afin de terminer l’arasement du cylindre de pierres. A ce stade de la restauration, tout danger écarté, les plaques de calcaire, qui étaient tombées à l’intérieur et qui ne s’étaient pas brisées, ont été retirées. Le fait d’avoir mis en place ce triple-linteau arrière nous a obligé à surélever l’arasement du mur et le sommet de l’extrados de la toiture (0m55) Ce dernier a été élevé en réutilisant les dalles sauvées de l’écroulement et d’autres trouvées dans la parcelle de qualité médiocre, parfois dolomitisées. L’accent a été mis aussi sur l’importance capitale du soin à apporter au blocage entre les pierres plates composant les couronnes de la voûte en encorbellement et le dévers à donner à ces mêmes pierres. Ici nous avons utilisé des «lauzettes» placées sous le nez de certaines dalles afin de les faire basculer vers l’arrière. A ce sujet, il est à noter que durant les différentes manipulations de pierres de toutcalibre, lors des démontages ou consolidisations des bases des murs, les rares et précieuses lauzes et «lauzettes» trouvées ont été soigneusement conservées pour les besoins ultérieurs. La «lauzette» est un auxiliaire indispensable du bâtisseur à pierre sèche. Au fur et à mesure de la mise en place des lauzes, l’arrière était garni de pierraille de tout calibre afin de parfaire l’autoblocage et d’en assurer le contre-poids. La lucarne laissée par la dernière assise de plaques de calcaire a été obturée en déposant une dalle-faîtière de 0m70 env. de diamètre. La hauteur sous voûte est de 2m65. L’extrados a été recouvert de pierraille en essayant d’harmoniser le volume du cône.
Outils utilisés: massettes de maçon, seaux en plastique de récupération (peinture) et seaux de maçon pour le transport de la pierraille.
CONCLUSION
Ce fragile témoin de notre architecture vernaculaire est né de la pauvreté matérielle de son bâtisseur mais symbolise les valeurs paysannes des défricheurs de garrigues : courage, volonté, ténacité, affirmation de soi, enracinées comme les chênes yeuses. Aussi malgré quelques modifications apportées à sa physionomie extérieure mais non pas au message transmis, qui pourra encore durant quelques décennies, nous l’espérons, émouvoir les générations futures, nous pensons ne pas avoir trahi l’esprit de son bâtisseur. Nous avons touché, transporté, soupesé et disposé, dans la même facture, ces pierres dégagées et arrachées à la terre par le ou les défricheurs. Nous avons accompli les mêmes gestes.
Il est important de signaler que ce genre de restauration, où l’oeuvre originale a été transformée soit par manque de documents soit par nécessité technique comme c’est le cas ici, doit être signalé aux chercheurs à venir, par des traces écrites, afin de ne pas les induire en erreur (c’est un des objectifs de ce compte-rendu).
Comme l’archéologue, amené souvent à effectuer des sauvetages, nous devons agir vite afin que ces témoins muets venus de nos proches ancêtres abordent vaillamment le XXIème siècle, c’est-à-dire le troisième millénaire.
(1) Capitelle: nous avons entrepris une étude sur la terminologie, au regard de la diversité des mots et définitions utilisés, à tort ou à raison, selon la région ( ex. borie en Provence: ce mot désigne en réalité une ferme). Cabane, terme employé le plus souvent, correspondrait le mieux à ce genre d’édifices, mais il a une trop grande connotation néolithique à nos yeux, ce qui apporterait de l’eau au moulin des archéomanes de service. Il nous semble nécessaire (pour les futurs travaux de recherche ou de recensement) d’harmoniser cette terminologie et nous proposons pour notre part que le mot «capitelle»(d’origine gardoise), de par son étymologie même, soit exclusivement réservé aux cabanes en pierres sèches couvertes d’une voûte en encorbellement construites par les paysans-défricheurs (sans pour cela oublier ou négliger la richesse des appellations locales). Pour celles bâties réellement par les bergers, voir les «orris» des Pyrénées.
(2) Le premier défricheur arrivé sur les lieux, après avoir sélectionné son morceau de garrigue, entreprenait ses travaux de déblaiement. Il délimitait sa parcelle à l’aide d’un muret à un parement et il entreposait ou jetait la pierraille indésirable, extraite au fur et à mesure du sol, derrière. Le défricheur suivant agissait de même de son côté, ainsi le mur mitoyen se retrouvait avec deux parements. Cette manière de travailler pourrait expliquer ces murs bas et très larges, avec énormément de fourrure, que l’on rencontre parfois dans la garrigue. Cela n’exclut pas le défrichement simultané et la construction commune, dans ce cas cette dernière pouvait être plus élaborée dans sa mise en forme (hauteur, liaison, etc...).
(3) Ne négligeons pas cet aspect-là: souvent ces garrigues défrichées étaient usurpées soit à la communauté, soit à des propriétaires aisés (procès ou plaintes fréquents au XIX ème siècle). Pour cette partie de garrigue (Pech Monier): 38 propriétaires-défricheurs sont notés dans le rapport de 1853 de l’arpenteur CARTIER de MEZE. Rapport de reconnaissance et d’estimation des terrains usurpés réalisé à la demande insistante du Préfet (31 mai 1852) et la décision du Conseil Municipal du 7 juin 1852; 1 de plus se déclare en 1855 et 1 de plus en 1856 ( dont 2 mézois et 1 villeveyracois). Cela représente au total 14 hectares 10 ares 96 ca. pour 52 parcelles: 82 ares 74 ca pour la plus grande et 3 ares 40 ca pour la plus petite. Défrichements effectués de 1832 à 1852 d’après les dires des usurpateurs. Toutes ces parcelles portent de la vigne. Quelques parcelles avaient été défrichées avant ce recensement et déjà enregistrées lors de la levée du cadastre napoléonien (recherches en cours sur cette première usurpation). L’abri, outre son utilité agricole et domestique incontestable, protection des biens et des personnes contre les intempéries, etc..., était aussi, pour certains, leur marque de propriété, leur seul acte notarié à faire valoir: « à la cabane de...», « à la baraque de...», « à la capitelle de...».
(4) L’Architecture rurale en pierre sèche de l’Hérault par André CABLAT in l’Architecture rurale en pierre sèche. Revue de l’Architecture populaire et anonyme.Tome 2. (1978).
Notes: Le 16 juillet 1853 l’expert CARTIER a terminé et présenté son travail à la Commune: 188 parcelles, usurpées à la communauté, sont recensées sur le territoire de Loupian (cela ne concerne pas les terrains déjà enregistrés par le cadastre napoléonien) «...la moitié closes avec des murs à pierre sèche très élevés ce qui en a rendu la levée du plan très pénible.» Estimation de ces terres: 13415 francs 50 c. Cartier demande 600 Francs pour sa peine (il aura du mal à se faire payer). Le Conseil Municipal octroie 50 Francs à Ambroise PIEYRE pour «...indicateur de l’expert lors de reconnaissance et estimation des terrains défrichés (25 journées à ce travail)». Ces 650 Francs seront à payer par les usurpateurs. Le 14 novembre 1853 le Conseil Municipal demande de baisser les évaluations de l’expert. Le Préfet répond le 30 novembre 1853 qu’il n’est pas d’acord, l’évaluation est correcte, il accepte des conditions de vente suivantes:
1) payer en deux annuités le prix principal du terrain et l’indemnité pour indue jouissance;
2) servir à la commune les intérêts des sommes dues jusqu’à parfaite libération;
3) clore les propriétés cédées; (ce n’est pas la première fois que la Préfet demande de clore par des murs les terrains usurpés, il craignait probablement les tendances expansionnistes des paysans-défricheurs)
4) payer au prorata les frais de reconnaissance et de concession;
5) passer acte public de la vente .
Le Préfet appelle les détenteurs à en faire la déclaration. Cette affaire était loin d’être close car le Conseil Municipal autorise le Maire, le 3 mars 1861, à poursuivre devant les tribunaux les détenteurs des terrains communaux qui se refuseraient de venir soumissionner à la Mairie dans la délai qui leur sera fixé. Une crise au sein du Conseil Municipal allait se présenter (affaire à suivre).
Le 10 février 1865, Léandre RIQUET passe acte chez Me FROMIGA à MEZE pour une parcelle de terre de 31 ares 73 ca défrichée en 1850, prise sur la parcelle n°1 du cadastre napoléonien. Prix: 128 Frs.
Toutes ces informations sont extraites du fonds des Archives Départementales de l’Hérault.
Merci à tous les volontaires du chantier et toutes les personnes ayant, de près ou de loin, participé à cette opération (secrétariat de la mairie de Loupian, employés municipaux). Une mention spéciale à M. Adrien TYRLIK et José SALLE pour leur dévouement à la pierre sèche.
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